- 09.05.2017

Stratégies gagnantes pour les pêcheurs de langoustine du golfe de Gascogne

Espèce phare de la pêche française et emblématique des côtes de l’Atlantique, la langoustine fait régulièrement parler d’elle pour sa chair fine et prisée. Au-delà de ses intérêts gustatif et nutritionnel, intéressons-nous au travail de ceux qui ramènent la langoustine sur nos étals toute l’année, tout en s’efforçant de garantir son exploitation durable et dans une démarche d’amélioration continue, pour répondre aux nouveaux enjeux environnementaux.

Une pêcherie d’ores et déjà très encadrée

Dans le golfe de Gascogne, près de 200 navires capturent annuellement environ 3500 tonnes de langoustines au chalut de fond, en provenance des différents ports de l’Atlantique : de Bretagne sud pour les deux tiers mais aussi des régions Pays de Loire et Nouvelle Aquitaine.

Outre un quota de pêche au niveau européen, la pêcherie de langoustine de golfe de Gascogne fait l’objet de mesures d’encadrement au niveau national, dont les professionnels sont à l’initiative :

  • La pêche de la langoustine est notamment soumise à la détention d’une autorisation nationale de pêche, qui n’est délivrée qu’aux navires équipés de dispositifs sélectifs sur les chaluts permettant l’échappement des juvéniles (de langoustine et d’autres espèces de poissons : merlu, chinchard, tacaud…), d’où l’expression « Trier sur le fond, plutôt que sur le pont ».
    Ces dispositifs ont été mis au point par l’Ifremer et rendus opérationnels par la profession dans le cadre des programmes « Sélectivité » menés depuis les années 2000 par le CNPMEM, puis l’AGLIA (Association du Grand littoral Atlantique) ;
  • Par ailleurs, la taille minimale française est plus contraignante que la taille communautaire (9 cm de longueur totale contre 7 cm au niveau européen) ;
  • Depuis cette année, les chalutiers langoustiniers sont également assujettis à l’obligation de s’équiper de dispositifs permettant la remise à l’eau rapide des organismes rejetés (juvéniles et autres espèces indésirées).

Relever le défi des enjeux environnementaux

« Atteinte du Rendement maximum durable en 2020 »
« Interdiction des rejets de pêche »
« Limitation des impacts sur les écosystèmes »…

Malgré les efforts déjà consentis par la profession ces dernières années, les défis à relever pour rendre l’activité de pêche toujours plus durable et responsable demeurent ambitieux et complexes.

Les pêcheurs de langoustine ont toujours su se prendre en main et avec l’appui des structures professionnelles (Comités des pêches et Organisations de producteurs), de l’Ifremer, de l’AGLIA, ainsi que de l’Etat français et de l’association à caractère interprofessionnel « France filière pêche » (FFP), ils mènent de front plusieurs actions visant à répondre à ces nouveaux enjeux.

Zoom sur les dernières actions en date d’une profession qui fait preuve d’exemplarité…

Un programme d’actions novatrices et ambitieuses

Améliorer les connaissances sur l’état du stock et son niveau d’exploitation, via la campagne halieutique LANGOLF-TV

La connaissance fine des stocks exploités est à la base de la gestion de la pêche, en vue de parvenir à une exploitation soutenable. Pourtant, jusqu’à la dernière évaluation, fin 2016, les données scientifiques disponibles pour le stock de langoustine du golfe de Gascogne n’avaient pas permis de qualifier son état de manière précise.

Pour tenter d’améliorer ce diagnostic, en 2014 pêcheurs professionnels et scientifiques ont décidé de mettre en commun leurs moyens afin de tester une nouvelle méthode d’évaluation du stock de langoustine par vidéo sous-marine, dans le cadre du programme LANGOLF-TV porté par le CNPMEM, en partenariat avec l’Ifremer et avec un financement de FFP. Cette méthode consiste à déterminer l’abondance des langoustines par le décompte de terriers creusés par cette espèce inféodée aux fonds meubles de la Grande Vasière du golfe de Gascogne. Pourtant déjà utilisée en routine par plusieurs pays du Nord de l’Europe, cette méthode n’avait encore jamais été déployée dans les eaux françaises, d’autant que la zone de présence de la langoustine en Atlantique est susceptible de présenter une forte turbidité.

Langoustine – © Rune Henssel

Le pari s’est avéré gagnant : après un premier test concluant en 2014, qui a montré que la méthode était pleinement opérationnelle dans le golfe de Gascogne, la campagne a été réitérée en 2015 puis 2016. A l’issue de ces 3 ans de campagne, la méthode de vidéo sous-marine a été validée par le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) comme le nouveau standard pour l’évaluation du stock de langoustine du golfe de Gascogne.

Ce succès s’est soldé par une autre bonne nouvelle pour la profession puisque l’avis rendu par le CIEM pour ce stock en fin d’année 2016 a montré qu’il est pêché de manière durable (stock exploité au RMD) et une hausse du quota de 6 % a été validée par les instances européennes pour l’année 2017.

La pérennité de cette campagne scientifique est assurée pour les années 2017 à 2019 grâce à un financement du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) et de FFP.

 

Diminuer les captures indésirées de petites de langoustines et favoriser la survie des individus rejetés

Suite à l’entrée en vigueur, de l’« obligation de débarquement » (aussi dénommée « interdiction des rejets »), inscrite dans la réforme de la Politique commune de la pêche, les armements doivent désormais ramener à terre les espèces soumises à quota (ou à taille minimale, pour la Méditerranée), selon des modalités déterminées par la Commission européenne en fonction des pêcheries concernées ***.

La langoustine est une espèce sous quota en Atlantique et sa capture rentre donc dans le champ de l’obligation de débarquement. Toutefois la réglementation européenne permet la possibilité de déroger à cette obligation pour les espèces ayant un haut taux de survie : c’est le cas généralement des crustacés, qui présentent, grâce à leur carapace, une assez bonne capacité de résistance aux manipulations effectuées lors des opérations de pêche. Le taux de survie effectif dépend en outre du métier pratiqué, de la zone de pêche considérée, des conditions de tri à bord des navires, etc.

Dans l’intérêt de la pérennité du stock, il peut être plus judicieux de relâcher à l’eau les petites langoustines encore vivantes pour qu’elles continuent de croître et de se reproduire, plutôt que de les débarquer. Encore faut-il pouvoir garantir la maximisation des chances de survie des petites langoustines, via des pratiques et des équipements permettant de limiter leur temps d’exondation et le risque de piétinement : tables de tri, goulottes…

Système de goulotte – © AGLIA

C’était l’objectif du programme SURTINE, porté par l’AGLIA, en partenariat avec les professionnels et l’Ifremer, qui visait à l’amélioration des connaissances sur la survie de la langoustine de golfe de Gascogne en relation avec les pratiques à bord des langoustiniers.

Après une série de tests à différentes périodes de la saison de pêche de la langoustine du golfe de Gascogne, en conditions de pêche standardisées et selon un protocole scientifique rigoureux, il a ainsi été démontré que le taux de survie des langoustines triées à bord de navires équipés de dispositifs « survie » s’élève à 51,2 % en moyenne, contre 36,9 % en moyenne pour les navires qui n’en sont pas équipés. Ces résultats confirment le haut potentiel de survie des langoustines rejetées et démontrent l’amélioration significative permise par l’utilisation de dispositifs de remise à l’eau rapide à bord des navires de pêche.

Sur initiative de la profession, l’utilisation de ces dispositifs de remise à l’eau rapide des captures non désirées a été rendue obligatoire à partir de 2017.

 

Evaluer et limiter les impacts des engins de pêche sur les écosystèmes

Avec l’adoption de l’approche écosystémique des pêches, inscrite dans PCP et découlant également des directives Natura 2000 et de la Directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin », les professionnels renforcent leurs actions en matière de prise en compte de l’environnement par les activités de pêche.

Alors que le chalut de fond est régulièrement décrié de manière générale, les effets réels de cet engin sur les habitats marins diffèrent pourtant largement entre plusieurs cas de figure. En fonction des caractéristiques des engins utilisés (poids et dimensions, type de gréements, etc.), ainsi que des substrats et habitats considérés (fonds meubles ou durs, habitats sensibles ou non), l’impact réel du chalut sur l’écosystème ne sera pas le même d’une situation à l’autre. Ainsi la première étape est de comprendre et évaluer, afin de pouvoir agir en connaissance de cause.

S’agissant de la pêcherie langoustinière du golfe de Gascogne, l’enjeu réside dans l’évaluation et la prise en compte des effets occasionnés sur l’écosystème de la Grande vasière par les chaluts de fond. C’est l’objet du programme TETRIS, porté par l’Ifremer en partenariat avec le MNHN et le CNPMEM, qui utilise les vidéos acquises dans le cadre de la campagne LANGOLF-TV pour évaluer les densités d’organismes (benthos, poissons…) et les mettre en relation avec différentes variables environnementales (nature du substrat, profondeur) et la pression de pêche.

Les premiers résultats de cette étude, toujours en cours, ont permis d’identifier différentes communautés d’espèces sur la Grande vasière et de les classifier en fonction de leurs préférences en matière de type de sédiments et de profondeur, ainsi que de leur sensibilité au chalutage.

 

Les actions des chalutiers langoustiniers sont le reflet de la prise de conscience opérée par la profession pour les enjeux de développement durable.

Cette prise de conscience se traduit sous forme de nombreux programmes d’acquisition de connaissance et de tests de dispositifs visant à améliorer la durabilité des activités de pêche, ainsi que de mesures de gestion toujours plus précises et pertinentes. Les professionnels doivent être encouragés dans leurs efforts non seulement par l’Etat, la Communauté européenne mais également par la société civile.

 

Pour en savoir plus :