ICV Pêche – Inventaires de cycle de vie pour certains produits de la pêche
VERS UNE ÉVALUATION DES PERFORMANCES ENVIRONNEMENTALES DES PRODUITS DE LA PÊCHE
Genèse du programme
Depuis de nombreuses années, le secteur de la pêche se mobilise pour pratiquer une pêche durable et responsable, reposant sur trois piliers : environnemental, économique et social. De ce point de vue, l’un des enjeux majeurs est d’acquérir une meilleure connaissance des impacts des activités de pêche sur l’environnement afin de pouvoir mettre en place les pratiques adéquates.
Dans ce contexte, plusieurs acteurs de la filière halieutique ont souhaité rejoindre le programme Agribalyse proposé par l’ADEME (agribalyse.ademe.fr). Ce programme ambitionne de quantifier les impacts environnementaux de nombreux produits alimentaires français à travers la méthode de l’analyse de cycle de vie (ACV).
Le projet « ICV Pêche » s’inscrit dans cette dynamique et vise à évaluer, via l’ACV, les performances environnementales de quelques produits de la pêche, afin notamment de montrer comment ceux-ci peuvent contribuer à une alimentation durable.
Objectifs du programme
Le projet ICV Pêche a été expérimental et a poursuivi plusieurs objectifs. En premier lieu, il a visé à améliorer les connaissances et méthodologies d’évaluation des performances environnementales de la pêche à travers l’ACV. Une telle étude n’avait encore jamais été menée en France. Un second objectif était la production et la mise à disposition de données objectives et robustes sur les différentes étapes de production des produits de la mer en vue de l’évaluation des différents types de pratique de pêche. À terme, ce projet constitue une base de travail pour le développement de bonnes pratiques par les pêcheries étudiées.
Cas d’études
Un échantillon de produits représentatifs de la diversité des activités de pêche et des contraintes environnementales a été recherché par le groupe des partenaires du projet. Une quinzaine de « triplets », résultant de la combinaison espèce/zone de pêche/engin de pêche, a été identifiée. Elle est listée ci-dessous :
Anchois – Atlantique Centre Est – Senne
Coquille Saint Jacques – Baie de St Brieuc – Drague
Gadidés (cabillaud, églefin, merlan) – mer Celtique – Chalut de fond
Hareng – Atlantique Nord Est – Chalut pélagique
Lieu noir – mer du Nord – Chalut de fond
Maquereau – Atlantique Nord Est – Chalut pélagique
Sardine – Atlantique Centre Est – Senne
Sardine – Golfe de Gascogne – Bolinche
Sole – Golfe de Gascogne – Filet
Thon germon – Atlantique Nord Est – Chalut pélagique
Thon rouge – Méditerranée – Palangre
Thon rouge – Méditerranée – Senne tournante
Thon tropical (Albacore et Listao) – Atlantique Centre Est – Senne
Le périmètre d’étude concerne toutes les activités de pêche jusqu’au débarquement du poisson, en incluant les éventuelles activités de transformation à bord.
Des enquêtes ont été menées auprès des différents professionnels concernés.
Un projet innovant au contact des professionnels
Ce projet a constitué une initiative innovante par plusieurs aspects :
- Le domaine d’étude a constitué une originalité en soi, puisque l’évaluation environnementale de produits de la pêche française à travers la méthode de l’analyse de cycle de vie n’a jamais été réalisée ;
- Il a impliqué des acteurs de la filière : les professionnels et leurs représentants (UAPF, ANOP, FEDOPA, Sathoan, CITPPM) assureront notamment la collecte des données – phase indispensable pour mener à bien les analyses ;
- Il a associé des experts scientifiques issus de plusieurs instituts de recherche (INRA, IRD) et des spécialistes en ACV (Cycleco). Des prestataires ont également été engagés sur certaines actions (Mauric, Plateforme d’Innovation Nouvelles Vagues, Xavier Joly Conseil).
Le projet a été coordonné par le CNPMEM, sur une durée de 2 ans (2016-2018).
Il a été cofinancé par l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) et France Filière Pêche (FFP), en plus de la part d’autofinancement des partenaires. Il est suivi par le CGDD (Commissariat général au Développement durable) du Ministère en charge de l’Ecologie du MEEM (Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer).
Des premiers résultats qui bousculent les idées reçues :
- Sans surprise, le principal paramètre influençant l’impact sur l’environnement est le rendement en gasoil de la pêcherie (i.e. : consommation de gazole par quantité de produit débarqué).
- Les premiers résultats semblent indiquer que les pêcheries ciblant les poissons bleus (sardine, anchois, hareng, maquereau, thonidés etc…) ont le plus faible impact environnemental global. Ceci s’expliquerait par une consommation moindre en gasoil par rapport à d’autres métiers (métiers benthiques notamment) et/ou des quantités importantes débarquées.
- Certaines pêcheries pourraient également être pénalisées à cause d’un temps de route conséquent et/ou des rendements fluctuants (ex : cas de la pêcherie de thon germon). D’autres pâtissent d’une usure rapide de leurs engins (exemple de la pêcherie de sole au filet).
- De manière générale, ces premiers résultats laissent penser que les performances environnementales des produits de la pêche sont aussi bonnes voire meilleures que celles des produits carnés issus des productions animales terrestres.
- Ces résultats sont conformes avec d’autres études similaires internationales (ex : Hilborn et al, 2018)
Cependant, notre étude montre une variabilité importante de ces impacts, à la fois entre les différentes pêcheries analysées et entre les navires d’une même pêcherie. Au regard de cette variabilité, il convient donc de rester prudent.
Une étude qui mérite d’être approfondie et complétée pour conduire à une amélioration environnementale des outils et des pratiques :
Ces premiers résultats, qui vont être plus finement exploités lors du nouveau programme IMPECH mené par le CNPMEM d’octobre 2018 à juin 2019, propose déjà plusieurs pistes d’amélioration, par exemple :
- Comme évoqué, il est nécessaire d’analyser et d’expliquer la variabilité importante existant entre les navires d’une même pêcherie Cette variabilité pourrait s’expliquer par des pratiques plus ou moins vertueuses et/ou l’hétérogénéité des caractéristiques des navires de pêches et/ou des rendements interannuels fluctuants et/ou une qualité des données inégale.
- L’analyse de l’impact sur les habitats et les écosystèmes (impacts biotiques) apparaît complexe mais demeure un enjeu important.
- La prise en compte de la filière aval (criée, mareyage etc…), certes plus complexe, permettrait d’être plus exhaustif dans l’évaluation environnementale des produits de la pêche.
- Il serait également intéressant d’analyser, outre l’aspect environnemental, les composantes sociale et économique de la durabilité des pêcheries étudiées.
- Au-delà de cette initiative novatrice française, l’interopérabilité des résultats entre les différents programmes d’analyse du cycle de vie doit aussi être recherchée.
|
||||